L’incorporation des professionnels

Qu’en est-il de la juste valeur marchande de la pratique professionnelle qui y sera transférée?

Avec l’adoption de la « Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives concernant l’exercice des activités professionnelles au sein d’une société », le gouvernement du Québec permettait ainsi aux ordres professionnels d’autoriser leurs membres à exercer leurs activités professionnelles par l’entremise d’une société par actions. Le transfert des activités d’un professionnel ou des activités professionnelles d’une société en nom collectif à une société par actions, i.e. l’incorporation, doit se planifier avec soin et une des principales étapes du processus est d’établir la juste valeur marchande de la pratique professionnelle qui y sera transférée.

Quels sont les facteurs qui rendent les pratiques professionnelles si uniques et qui influencent leur juste valeur marchande?

– D’abord, les pratiques professionnelles sont des entreprises de services. Elles ne fabriquent pas ou ne vendent pas de produit tangible. Le capital humain demeure leur principal actif. Ainsi, une large partie des actifs transférés sont, par nature, des actifs incorporels.

– La plupart des praticiens professionnels détiennent une ou plusieurs licences émises par des ordres professionnels. Normalement, les pratiques professionnelles ne peuvent être vendues qu’à un autre professionnel membre de la même corporation. Ainsi, le nombre d’acheteurs potentiels est donc limité à des professionnels qui ont la même formation, expertise et expérience.

– La valeur d’une pratique professionnelle dépend des habiletés, de la réputation et des efforts individuels des praticiens professionnels. Ainsi, cette portion de la valeur d’une pratique professionnelle peut ne pas être facilement transférable à un acheteur potentiel. Cette portion de la juste valeur marchande est connue comme étant de l’achalandage personnel ou professionnel et est basée sur le fait que les clients viennent à l’établissement principalement pour voir le professionnel. Ceci sous-entend que si le praticien quitte pour une autre pratique professionnelle, les clients vont suivre le praticien.

– L’achalandage commercial, de son côté, provient du succès des opérations de la pratique professionnelle et est associé à l’entité. L’achalandage commercial est souvent une composante importante de la valeur d’une pratique professionnelle.
Cet achalandage est basé sur le fait que les clients ne sont pas rattachés qu’aux habilités spécifiques du professionnel, mais aussi à la location de la pratique, au personnel en place, au numéro de téléphone, à l’état des locaux et des équipements, à la réputation de la firme, etc. Dans de tels cas, les clients vont continuer à venir à la pratique professionnelle en dépit du changement de propriétaire.

– Enfin, plus que n’importe quel autre type d’entreprise, la nature des clients tend à différencier les valeurs des pratiques professionnelles par rapport à une autre. Dans la plupart des cas, la valeur de la pratique professionnelle résulte des clients existants, du potentiel à les retenir et de la capacité d’en attirer d’autres.

Survol des approches et méthodes d’évaluation les plus courantes

On dit souvent que l’évaluation s’apparente plus à l’art qu’à la science. Ainsi, l’évaluation d’une pratique professionnelle n’est pas une science exacte et il n’existe pas de formules applicables à tous les types de pratiques professionnelles. L’approche à adopter et les méthodes d’évaluation appropriées varient selon chaque situation. L’évaluation est avant tout une question de jugement et de point de vue.

En général, comme la valeur des pratiques professionnelles se retrouve souvent sous forme d’actifs intangibles (ex : capital humain, liste de clients, etc.) ces éléments, qui font partie de la valeur de la pratique professionnelle, tendent à disparaître sous la prémisse de la valeur de liquidation. Ainsi, l’approche pour évaluer les pratiques professionnelles devrait plutôt se baser sur la continuité d’exploitation (qui inclut, entre autres, la méthode basée sur la capitalisation des bénéfices nets) par opposition à la méthode de la liquidation.

D’autres méthodes d’évaluation sont aussi couramment utilisées. Il s’agit de méthodes basées sur le marché ou de règles de pouce. Ces règles de pouce sont issues de transactions survenues dans l’industrie. Cependant, ces règles de pouce ne fournissent qu’une approximation de la valeur et ne devraient pas être utilisées comme seule méthode d’évaluation puisque souvent la valeur estimée avec ces règles a tendance à être plus élevée qu’elle ne devrait l’être. Par exemple, une règle de pouce commune pour les firmes comptables est que la valeur de la pratique équivaut à environ une année de revenus. Cependant, lorsque nous analysons les transactions plus en profondeur, il n’est pas rare de constater que cette « année de revenus » est payée au vendeur sur une certaine période de temps et est souvent sans intérêt. De plus, le calcul est souvent basé seulement sur les revenus des clients qui ont été retenus suite à la vente. Dans ces cas, la valeur au comptant équivalente est considérablement moindre que la règle de pouce.

Conclusion

Ces quelques notions de base vous permettront de travailler activement avec votre conseiller financier dans les étapes d’incorporation de votre pratique professionnelle. Il faut toujours garder à l’esprit que cette dernière doit être évaluée en tenant compte de ses particularités, en exerçant un jugement professionnel et en s’appuyant sur le gros bon sens.

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